Ma vie se dessinait ainsi autant par le creux de tous les objets que je ne possédais pas que par le plein de notre vie familiale chaleureuse. Nous avions droit à tous les superflus gratuits : les promenades dominicales dans la ville, les festivités qui s’y déroulaient une fois par an juste avant la rentrée des classes, les fêtes foraines qu’on appelait ducasses, mais à condition d’avoir le cran de se contenter de regarder les manèges tourner (en renversant son porte-monnaie, ma mère trouvait souvent in extremis la pièce qui permettait de ne pas se sentir totalement frustré !), les visites chez les proches et les amis autour d’une tasse de café, et aussi, moyennant quand même le prix de deux ou trois demis de bière, les longues pauses dans un café du centre-ville où le luxe consistait à y manger des frites.