Discours de Ségolène Royal sur la crise financière et économique prononcé à Parempuyre
le 15 octobre 2008 (suite)
Mais il est aussi indispensable de juguler la récession et de relancer la croissance. Je veux le dire ici : ce qui est possible, en termes de mobilisation et de moyens financiers réunis, pour juguler la crise financière, nous devons demander que ce soit aussi possible pour relancer la croissance économique et l’emploi.
Car elle est là la nouvelle civilisation européenne qui fera repartir l’ascenseur social : dans la satisfaction des besoins des hommes et des femmes, dans la formation professionnelle, tout ce qui fait la dimension humaine et tout ce qui permet à un pays de progresser, de créer, de construire, de développer les entreprises, d’améliorer le système scolaire.
C’est là que l’on doit investir, en particulier dans les immenses chantiers du développement écologique. Ils sont immenses, ces chantiers ! Il y a là un potentiel considérable avec, comme nous le disions tout à l’heure à l’usine, tous les enjeux sur le véhicule propre.
C’est bien évidemment cela qu’il faut prendre à bras le corps. Quand on verra tous les chefs d’Etat et de gouvernement d’Europe prendre ces sujets à bras le corps et mettre sur la table autant de moyens financiers qu’ils en ont mis pour régler la crise financière, alors on saura enfin que l’Europe existe, on saura enfin que la civilisation européenne existe.
Je vous disais tout à l’heure qu’au fond, cette crise est l’occasion de réfléchir au modèle de société que nous voulons. Eh bien regardez : on le touche ici du doigt. Pourquoi faudrait-il que les besoins élémentaires des hommes et des femmes et tout ce qui permet le progrès humain ne soient pas rentables économiquement ? Mais si, cela peut être rentable ! Si l’on organise l’économie en fonction des besoins humains...
Mais la crise financière détourne les flux d’argent vers autre chose que la satisfaction de ces besoins considérables, qui permettrait de faire progresser l’humanité.
Elles existent bien, ces masses financières. Il faut donc une autorité publique nationale, européenne et internationale qui ait le courage politique et la force politique, appuyée sur la volonté des citoyens, de dire : les flux financiers vont aller vers ces filières de développement économique.
C’est ainsi que la croissance repartira, que des emplois seront créés, que le pouvoir d’achat augmentera. Vous voyez qu’un nouvel ordre économique est possible. Un nouvel ordre économique tout simplement au service de l’être humain et au service de la protection de la planète.
C’est pourquoi je voudrais vous dire qu’il y a toutes les raisons d’être inquiets si l’on continue à se fier à un modèle financier à bout de souffle. Mais il y a aussi toutes les raisons d’espérer. Moi, je ne veux pas que les citoyens désespèrent. Je veux que l’action politique serve à quelque chose. Je veux que les citoyens pèsent pour que ce nouveau modèle de société se réalise.
Même si, aujourd’hui, nous ne sommes pas aux responsabilités à l’échelle nationale, nous le sommes sur de nombreux territoires et nous pouvons aussi faciliter l’émergence de ce nouveau modèle par une opposition très pressante, très précise, exigeante, en appui sur les citoyens.
Si l’on croit que l’histoire – moi, je le crois – nous donne rendez-vous une nouvelle fois pour faire émerger ce qu’il y a de meilleur dans l’économie, c’est à dire la satisfaction des besoins élémentaires, au premier rang desquels l’éducation, la formation et la sauvegarde de la planète, alors, j’en suis convaincue, chacun trouvera sa place dans ce nouvel ordre qui va additionner les chances plutôt que gâcher les richesses et les talents.
Voilà pourquoi ce sera un ordre juste.
Un ordre économique, social, écologique juste et efficace...
Elargissons notre vision : nous voyons alors que le principal danger qui se profile si l’on ne remet pas les choses à l’endroit et dans le bon ordre que j’évoquais tout à l’heure, c’est la guerre économique.
Que se passe-t-il, dans une guerre économique ? Il y a la montée des violences. Il y a la montée du chacun pour soi. Il y a la montée de la peur de l’autre. Il y a la montée du désespoir, du rejet de la politique, du gouffre entre, d’un côté, les puissants et les politiques et, de l’autre, le peuple. On sait à quoi cela mène : à la montée des régimes totalitaires, à l’intégrisme, aux terrorismes.
Personne ne pourra dire que l’on ne savait pas. Personne !
On sait, on voit ce qui se passe. On sait qu’il faut réformer radicalement la trajectoire que prend aujourd’hui l’économie et la trajectoire que prend aujourd’hui la planète. On le sait !
Et on a les moyens de modifier cette trajectoire pour peu qu’on change le rapport de force entre, d’une part, le petit nombre de ceux qui profitent du système (tous les dirigeants des banques ont bénéficié du bouclier fiscal, tous, et cela aussi il ne faudra pas l’oublier) et, d’autre part, tous les autres, les plus nombreux.
Personne ne pourra donc dire que l’on ne savait pas.
Alors, j’ai envie de vous dire : bougeons-nous ! Bougeons-nous !
Pour que nos enfants et les générations qui viennent ne puissent pas dire : mais comment, ils n’ont rien vu venir ? Ou, pire encore : ils ont vu venir et ils n’ont rien fait. Je ne veux pas de cela ! Nous ne voulons pas de cela parce que, oui, nous voyons les choses venir. Oui, nous avons parfaitement identifié ce qui ne va pas. Oui, nous savons parfaitement comment il faut changer les choses...
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