Née moins de cent ans après la Révolution française, ma grand-mère avait appris à lire et à écrire. Que savais-je d'elle? A l'époque, l'essentiel, que son existence était située en amont sur ma ligne de vie. Aujourd'hui, je n'en sais guère plus. Une sorte de paresse m'a fait reporter à plus tard des questions auxquelles plus personne ne peut répondre. Elle a travaillé dans des usines de filature, elle était fille du peuple. Elle a eu neuf enfants dont trois ont survécu. J'ai retenu qu'elle aimait lire et que, parfois, elle laissait brûler la soupe car elle était plongée dans un roman. Son goût pour la lecture était connu. On lui faisait parvenir en fin de course les journaux et les revues qui avaient circulé dans le quartier. Le dimanche après-midi, je regardais avec respect leur pile entassée sur une chaise... Ma gorgée de bière