Alors venait le temps de la marche dans la nuit. Je donnais un baiser presque solennel à ma grand-mère. Mon père avait l'air triste. Le retour de mon frère essoufflé animait soudain la scène. Ma mère me donnait la main, au moins au début du trajet. Mon frère partait devant, et je le voyais se retourner pour évaluer la distance entre lui et nous. Les rues étaient sombres, les passants étaient rares. Nous traversions toute la ville entre deux faubourgs. Je levais souvent la tête pour contempler la lune qui fuyait entre les nuages. A force, je savais exactement à quel endroit, à quel moment je verrais telle ou telle enseigne lumineuse qui rendait le parcours intéressant. C'était dans ce magasin que nous achetions "de l'eau précieuse" et dans cet autre que mon père achetait parfois des hameçons. Quand mes parents n'étaient pas trop pressés de rentrer, nous faisions un détour pour échapper pendant quelques minutes à l'obscurité qui finissait par devenir oppressante. Nous passions alors par une rue très animée au bord d'une petite place où s'arrêtaient des autobus. Ma gorgée de bière