Il leur manquait de précieux papiers pour avoir le droit de circuler. Elle avait accompagné son père pour déposer leur histoire dans un dossier de la Préfecture. Dans la file d'attente, elle avait entendu comme une musique de voix avec des suites de sons inconnus qui s'évaporaient dans la salle. D'autres familles et des hommes seuls, soucieux, patientaient. On leur demandait des dates mais eux, une DAT (demande d'asile territorial), et les malentendus s'accumulaient.
Un matin de très bonne heure, la police avait frappé à leur porte. Leur présence dans l'ancienne maison de garde-barrière avait été dénoncée. Le temps de réunir un baluchon, la famille avait été obligée de sortir. Dehors, Minima n'avait pas aperçu de grue mais des truelles et du ciment. Il y avait donc plusieurs façons de déloger les gens. Celle des maçons, qui muraient les portes et les fenêtres, laissait la possibilité de conserver DEBOUT le souvenir de la maison qui les avait accueillis dans ses entrailles, entre deux rails. Minima s'était retournée pour jeter un dernier coup d'oeil : à l'étage de la chambre où elle avait dormi battait un volet bleu...