Le langage écrit me réconciliait avec le monde. J’aimais les phrases pour les accords qu’elles créaient entre la beauté et la bonté. Les cours de Français me libéraient de mes tensions comme le Jokari. La rédaction à faire à la maison tombait tous les quinze jours. Elle m’apparaissait comme un pensum au moment d’inscrire le sujet dans le cahier de texte, ensuite je l’oubliais jusqu’au dimanche après-midi qui précédait la remise des copies. J’étais en classe de cinquième. La jeune professeure avait perçu mon goût de l’écriture. Encouragée, je tenais à lui faire plaisir et à déjouer les mauvais augures qui m’avaient prédit des déboires scolaires. Un dimanche après-midi sur deux, je prenais donc rendez-vous avec moi-même. La difficulté du sujet s’atténuait au fur et à mesure que je l’apprivoisais. Je plongeais dans le dictionnaire. Je confrontais chaque mot du sujet aux définitions qu’il proposait. Je passais ainsi sans doute plus de temps à m’imprégner du vocabulaire qu’à rédiger le texte de la rédaction à rendre le lendemain. Assez vite, j’oubliais l’objectif à proprement parler de mon travail, la production d’un texte, pour n’en percevoir que l’aspect gratuit qui me comblait. Je ressentais les sensations, je revivais les émotions que le sujet m’inspirait. Leur traduction en mots devenait un défi personnel.
Defrancoisjose 27/04/2014 11:43
Dominique Hasselmann 27/04/2014 07:28