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  • : le vent qui souffle
  • : Un souvenir surgissait parfois des mots comme un djinn d'une jarre, un souvenir imaginé, un oubli imaginaire... Le jeu de l'oubli dans l'écriture consistait à donner une forme à ces souvenirs blancs qui s'échappaient comme des fantômes...
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Autoportrait

         Qui étais-je vraiment? /

Ballet d'oiseaux

          au bord de la mer  

Impossible livre

      Mots

    déploiement géométrique, sonore, temporel

Les mots/"Sons" dessus dessous?/Où (hou!hou!) sont les sons?/Sur les ondes/Tout se jouait entre deux mots qui se fuyaient/Ecrits déchirés/Les mots me manquent/Mots à profusion/Fond et forme/L'art de combiner les sons/Passerelles de mots/Sous le couvert des mots /Ma voix résonne dans le désert!/C (Qu) antique/Mots creusés-creusets /Mots interdits /Mots /                       

       Motifs

     Leitmotiv/    

         Ombres

     Point de rencontre /Aboli bibelot /Portrait/  

         Images

     Images découpées/La dernière image de lui/ Autoportrait /  

          la lettre i

     Démolition/DESPERADO/Eperdument/  

           immense

     Un océan à traverser/Plans sur la comète, rêverie géante.../  

            improvisations

     Nécessité fait loi?/ Chevauchée fantastique/  

             invisibles frontières  

     Moi et/ou moi/Acrostiche/Du trajet au destin (tragédie?)/Elle ourlait le bord des précipices.../Incertains rivages/L'usine/Couloirs du temps/  

          itinéraires

     Rose des vents/Prendre le large/

4 février 2013 1 04 /02 /février /2013 00:04

Brisure

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3 février 2013 7 03 /02 /février /2013 00:04

 

       Le terrain vague offrait de quoi survivre. De l'eau en abondance dans un tonneau rouillé, quelques fruits et légumes dans un jardin abandonné. Minima conservait des provisions chapardées dans un sac en plastique caché dans le rebord d'un pneu crevé. Quand il pleuvait à verse, elle se protégeait de la boue en s'installant sur des planches de bois. Sur ce radeau, à l'abri d'une bâche imperméable, elle faisait de merveilleux voyages. Ils lui donnaient la sensation de flotter au-dessus de sa vie. Aérienne et liquide, elle devenait un nuage, détachée de tout souci, poussée par un bon vent. L'eau qui tombait empruntait des rigoles qui dessinaient une carte du monde où elle trouvait sans peine une place.

 

       Descendre les fleuves, traverser les mers était un jeu d'enfant. Les montagnes les plus élevées n'étaient pas insurmontables. Elle rencontrait les peuples de la terre, et elle échangeait avec eux des paroles. Elle se sentait comme en famille, sa solitude apparente n'était qu'une fiction. On l'appelait par son véritable prénom, elle était Sarah, entraînée par la sarabande. Elle ne voyait pas les frontières, les obstacles naturels ne lui paraissaient pas inquiétants. Il lui semblait qu'elle apercevait son père, petite silhouette qui courait, à la recherche du "pays qui ne chassait personne". Du haut de son nuage, qui survolait les problèmes, elle essayait de lui expliquer à quel endroit elle l'attendait. Sa voix portée en écho par le relais de ses compagnons romanesques lui parvenait juste à temps.

 

       Par beau temps, le terrain vague survolé par le ciel bleu était une vaste étendue lisse qui faisait penser à une plage. L'ombre de Minima se dessinait avec précision sur cette page de faux sable. Quand elle restait immobile, elle pensait qu'un enfant de géant aurait pu la découper. Elle désirait le rencontrer. Elle avait besoin de lui pour relever les ombres de sa vie ancienne. La machine à coudre de sa mère et sa place à côté d'elle. Au premier étage, les battants bleus d'une fenêtre et à l'extérieur, sous le toit, un nid d'hirondelles blotti contre les briques.

 

       Le soleil de l'été découpait son ombre sur le sol sans aucune bavure. Sur une feuille de carton, des ciseaux auraient pu en suivre le contour. Quand elle s'approchait de la clôture, l'ombre était cisaillée par les fentes. L'angle de la palissade au sol la pliait en deux. Elle s'éloignait vers le centre du terrain pour se voir en entier. A midi, elle n'était qu'un gribouillis. Les rayons du soleil déclinant la faisaient grandir. Il existait un moment de la journée où son double sur le sol arrivait à sa taille. Elle pouvait se contempler dans les moindres détails. Puis il s'étirait démesurément, pour atteindre les confins de la nuit. Elle ressemblait alors à la gamine qui attendait de dos un paquebot sur la photo de l'embarcadère qu'elle transportait dans son sac.

 

       Minima aimait dormir à la belle étoile. Les flammes d'un feu de camp s'arrêtaient de danser. Elles s'écroulaient sur une ombre rouge braise. Une immense lune pleine s'élevait dans la nuit. L'étoile polaire, non loin, clignotait. La Voie Lactée déroulait son tapis blanc, les astres prenaient place, les stars étincelaient. Dos contre terre, elle admirait la chorégraphie du ciel. Elle voyait apparaître la grande et la petite ourse, elle cherchait un chariot. A l'abri des palissades, elle revoyait les bribes de scènes que lui renvoyaient les constellations quand elle les regardait comme autrefois, sur la route de l'Eldorado.

 

       Ses souvenirs étaient minuscules mais, projetés par les astres, ils étaient agrandis. Un soldat ou un brigand qui ne faisait pas de mal aux familles portait son fusil en bandoulière au-dessus d'un manteau. Elle s'amusait à faire comme lui avec une arme simulacre qui faisait fuir les ennemis. Les corps massifs des hommes se retournaient d'une seule pièce pour surveiller les arrières de leur colonie. Les femmes calmaient les enfants en chantant. Les myrtilles cueillies au flanc des montagnes étaient un avant-goût de leurs futurs festins. Le destin leur était favorable, tous le lisaient dans les étoiles...    § Récit  

 

 

 

 

En route

Sur la route de l'Eldorado...

 

 

 

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2 février 2013 6 02 /02 /février /2013 11:42

Avant, sur ses brouillons de papier, le geste de l'écrivain consistait à raturer. L'effacement était rendu visible par le dessin, blocs de phrases libres ou raturées alternées, du manuscrit raturé. La rature était un effacement que le lecteur pouvait s'approprier, et que l'écrivain pouvait conserver comme une trace de la maturation de sa pensée. Aujourd'hui, produit fini (?!), le texte est livré scintillant sur fond d'écran-papier glacé. L'écriture-dessin est remplacée par l'écriture-piano sur les touches du clavier...

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2 février 2013 6 02 /02 /février /2013 00:04

Casse-noisette

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1 février 2013 5 01 /02 /février /2013 00:04

1er moi(s) imaginaire

2 moi(s) imaginaire(s)

3 moi(s) imaginaire(s)

4 moi(s) imaginaire(s)

5 moi(s) imaginaire(s)

6 moi(s) imaginaire(s)

7 moi(s) imaginaire(s)

8 moi(s) imaginaire(s)

9 moi(s) imaginaire(s)

10 moi(s) imaginaire(s)

11 moi(s) imaginaire(s)

12 moi(s) imaginaire(s)

13 moi(s) imaginaire(s)

14 moi(s) imaginaire(s)

15 moi(s) imaginaire(s)

16 moi(s) imaginaire(s)

17 moi(s) imaginaire(s)

18 moi(s) imaginaire(s)

19 moi(s) imaginaire(s)

20 moi(s) imaginaire(s)

21 moi(s) imaginaire(s)

22 moi(s) imaginaire(s)

23 moi(s) imaginaire(s)

24 moi(s) imaginaire(s)

25 moi(s) imaginaire(s)

26 moi(s) imaginaire(s)

27 moi(s) imaginaire(s)

28 moi(s) imaginaire(s)

 etc.......................

 

 

 

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31 janvier 2013 4 31 /01 /janvier /2013 00:04

Les arbres dansent en demi-cercle autour du jardin. Dépourvus de leurs feuilles, marronniers, hêtres, chênes, tilleuls, découvrent leur personnalité première, princière. Leurs corps sont élancés vers le dôme de leurs ramifications. Ils dansent dans des figures déliées à l'extrême, tracées à l'encre de chine sur un fond de ciel variable, du bleu de l'or pur à la cendre terreuse. Moulés dans leur écorce d'hiver, ils construisent leur chorégraphie immobile, en suivant le vent. Souffle léger ou tempête, orchestre de chambre ou drame symphonique, les cordes et les cors vibrent et se déploient dans l'air. Assise sur un banc public, je suis à l'Opéra... 

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30 janvier 2013 3 30 /01 /janvier /2013 00:04

 

La photographie n'était que le reflet arbitraire d'un instant arraché à la fosse béante du temps, et ne livrerait pas d'autre secret que cette fixité étrange et ce témoignage troublant d'une vie abolie mais qui avait existé. Ce n'était qu'une trace, aussi bouleversante que les empreintes de mains retrouvées dans les grottes préhistoriques. Elle continuerait pourtant, avec déraison, parce que cette vie retournée au néant continuait de l'émouvoir, à scruter la profondeur de ce regard, à suivre le mouvement de ces lèvres qui essaient avec peine d'esquisser un sourire, à interroger ce front trop grand sous les cheveux relevés, à examiner cette broche dorée qui rehausse le corsage sombre, à s'émerveiller devant le col de dentelle fine fabriqué par des mains délicates. Sa mémoire avait conservé des milliers d'images plus récentes, en mouvement comme dans un film. Ces images-là, douloureuses, s'enfonçaient peu à peu dans les couches inférieures de la conscience, accompagnées d'une sorte de sentinelle chargée de les veiller, de les protéger contre l'oubli définitif, mais aussi et peut-être surtout d'empêcher la souffrance d'une remontée à l'air libre... Une sorte de filtre magique ne laissait passer que les formes simplifiées ou mythiques du souvenir. Il n'était pas impossible de croire que ces formes pourraient revivre de la même façon que les vestiges d'une civilisation disparue, avec le recul et la passion des archéologues, la passion préservant l'émotion, le recul faisant barrage à la douleur. Il devenait possible également de croire que ces empreintes de vie laissées par une morte rétabliraient un passage avec elle, la "encore vivante". Et tous ces signes, il fallait désormais les déchiffrer, les décrypter, les interpréter comme des indices sur son propre destin, contenu dans la forme ronde de ce petit miroir de poche, cruellement figé et glacé côté pile, insaisissable comme l'eau courante, imprévisible, inquiétant, effrayant comme un torrent dévastateur, côté face.

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29 janvier 2013 2 29 /01 /janvier /2013 23:04

Qui étais-je vraiment? Petite fille habitée de mauvais rêves et traversée de fantômes, trouée comme une passoire par tous les pores de sa peau... Perméable à toutes les érosions et dérisions... Décapée, dépitée, décapitée à chaque déluge, nettoyée et vidée de ses émotions primaires... Chaque flux ou reflux qui me poussait d'un bout à l'autre de cette frontière étrange qui traversait le terrain vague, entre deux mondes qui s'excluaient, faisait de moi à chaque passage une étrangère toujours plus étrangère... J'ai grandi avec la sensation d'être vide pour avoir constamment laissé ailleurs, dans les mondes successifs d'où je venais, mes bagages essentiels, l'essence de mon âme et ma véritable identité... Qui étais-je vraiment? Puissance incantatoire du verbe de l'école, silence pauvre mais parlant de la maison affaissée sur le creux de son quotidien. Notre maison était creuse et moi comme elle car l'école était pleine. Pleine à craquer de savoirs, de jeux et de rêves irréels. Et cette plénitude me faisait rêver, et ce creux me faisait douter. Et quand la houle était trop forte, cette alternance de creux et de crêtes me donnait la nausée. Qui étais-je vraiment? Les deux galets ramassés un jour de sécheresse sur la plage du terrain vague - BAILLEUL Annie - étaient assurément un début de réponse. "Présente!" Au début de chaque demi-journée, en faisant l'appel, la maîtresse les ramenait dans ses filets, les examinait, les comparait à sa liste et ne trouvait rien à redire. Alors elle les relâchait, elle les remettait en circulation - BAILLEUL Annie - deux allers et retours matin et soir, à marée basse et à marée haute, sur le chemin du terrain vague, au-dessus d'une ligne de faille... Qui étais-je vraiment? Physiquement, j'étais comme Zazie dans le métro. Une boule de cheveux noirs coupés court avec une frange en travers du front que les ciseaux paternels égalisaient une fois par mois (la poussière de soie qui tombait me chatouillait le nez, je mettais mes mains en visière à la hauteur de mes sourcils tout en clignant des yeux, mon père me faisait lever le menton de sa main gauche et de la droite il s'efforçait de ne pas trembler, je sentais la progression dure et froide des longues lames pointues contre ma peau un peu moite, si je bougeais, si j'éternuais, il en allait peut-être de ma vie!), et puis le pull rouge, ma mère adorait le rouge, rouge comme le sang qui perlait, c'était toujours pareil, pas de sa faute mais de la mienne, je ne savais pas me tenir tranquille, le pull rouge sur une jupe écossaise à dominante rouge le dimanche, les autres jours de la semaine, c'étaient des couleurs banales qui n'allaient pas bien aux brunes, des couleurs ternes pour vêtements de pauvres, des vêtements de secours, ça existe encore, ça s'appelle le secours catholique ou populaire... Le dimanche, avec les habits choisis ou faits par ma mère, j'étais tout à fait comme Zazie dans le métro, avec son casque noir sur un pull rouge... Mon père se prénommait Raymond et de son nom de jeune fille ma mère s'appelait Queneut. Pourtant, ils n'avaient absolument rien compris à la finesse ou aux finasseries de Queneau. Ils avaient payé cher pour me voir en grand sur l'écran. Dès les premiers gros mots, ils regrettèrent leur argent. Je me sentais responsable (quelle fichue habitude!), gênée d'avoir un sosie si mal élevé et troublée de découvrir pareille différence (puisque malgré toutes mes sottises il semblait que je n'arrivasse pas à la hauteur de la cheville de ma doublure cinématographique!) au sein d'une telle ressemblance... Pour éluder la décision de quitter la salle, ce qui serait revenu à admettre qu'ils avaient gaspillé le prix des billets, mes chers parents avaient estimé que ça ne pouvait pas continuer comme ça. On ne pouvait pas se foutre de la gueule du monde à ce point-là. Le film allait devenir un vrai film, avec une histoire qui tiendrait debout et une petite fille normale ou presque, comme moi. D'espoir déçu en attente trompée, de soupir en soupir et de mine outragée en dénégation fatiguée, ils burent la coupe jusqu'à la lie. La durée conventionnelle d'un film étant écoulée, le mot FIN apparut pour nous narguer, sembla-t-il, une dernière fois. Mes géniteurs mirent du temps à sortir de leur stupeur. Le génie de Queneau leur avait échappé, Zazie dans le métro devint à leurs yeux la référence en matière de non-sens. Quant à moi, dans les yeux de Zazie, j'avais vu briller des lueurs certes douteuses mais alléchantes. Elle était gaie, moi, je ne l'étais pas, et sa présence au monde était renversante...

 

Le Dernier mot d'elle, éditions La Chambre d'échos.

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29 janvier 2013 2 29 /01 /janvier /2013 13:50

 

* La voisine disait que j'avais de plus en plus triste mine. Je perdais mes couleurs, je manquais de distraction, il fallait que je m'évade un peu. La voisine aurait mieux fait de se taire, ma figure ne regardait que moi. Je me regardais quand je voulais. Le matin, vite fait, pour me débarbouiller. Je ne voyais que du savon blanc comme de la neige sous une frange de cheveux noirs. Les couleurs de la voisine étaient une invention. Toutes nos photos étaient en noir et blanc, celles de l'école aussi. Mon visage était une habitude, je n'y pensais même pas. Je l'examinais quand il était immobile et plat, brillant, parfois mat, seul ou dans un groupe, séparé de mon corps ou posé tout en haut comme un ballon. Depuis le début de ma vie, d'un cliché à l'autre, je constatais de grandes différences. Il était surprenant que j'eusse pu être ce tout petit enfant que je ne reconnaissais pas, qui avait laissé cette empreinte à la surface d'un papier. On aurait dit que je m'étais évadée de mes corps successifs. Que leurs écorces avaient été déposées sur le support des photographies. Je n'avais pas fini de grandir mais il ne m'aurait pas déplu de rester à la hauteur du moment où je vivais. Au stade connu de mon enfance, juste avant qu'elle ne finisse. Avec ma frange de cheveux noirs et mon visage blanc, rond, sous les bulles de savon. Moi pour de vrai, pas seulement une image. En train de faire grincer la chaise devant la table où je regardais nos photos. Les négatifs faisaient pâle figure à côté de leurs doubles réussis. C'était peut-être ce que voulait dire la voisine et qui inquiétait ma mère. Les couleurs qui s'effaçaient de mon visage devaient lui donner l’aspect d’un négatif. Je me pinçais, j'étais réelle. Il était impossible que le regard de la voisine me traverse déjà comme un rayon X

 

 

    Comme Zazie dans le métro

 

* Qui étais-je vraiment? Petite fille habitée de mauvais rêves et traversée de fantômes, trouée comme une passoire par tous les pores de sa peau... Perméable à toutes les érosions et dérisions... Décapée, dépitée, décapitée à chaque déluge, nettoyée et vidée de ses émotions primaires... Chaque flux ou reflux qui me poussait d'un bout à l'autre de cette frontière étrange qui traversait le terrain vague, entre deux mondes qui s'excluaient, faisait de moi à chaque passage une étrangère toujours plus étrangère... J'ai grandi avec la sensation d'être vide pour avoir constamment laissé ailleurs, dans les mondes successifs d'où je venais, mes bagages essentiels, l'essence de mon âme et ma véritable identité... Qui étais-je vraiment? Puissance incantatoire du verbe de l'école, silence pauvre mais parlant de la maison affaissée sur le creux de son quotidien. Notre maison était creuse et moi comme elle car l'école était pleine. Pleine à craquer de savoirs, de jeux et de rêves irréels. Et cette plénitude me faisait rêver, et ce creux me faisait douter. Et quand la houle était trop forte, cette alternance de creux et de crêtes me donnait la nausée. Qui étais-je vraiment? Les deux galets ramassés un jour de sécheresse sur la plage du terrain vague - BAILLEUL Annie - étaient assurément un début de réponse. "Présente!" Au début de chaque demi-journée, en faisant l'appel, la maîtresse les ramenait dans ses filets, les examinait, les comparait à sa liste et ne trouvait rien à redire. Alors elle les relâchait, elle les remettait en circulation - BAILLEUL Annie - deux allers et retours matin et soir, à marée basse et à marée haute, sur le chemin du terrain vague, au-dessus d'une ligne de faille... Qui étais-je vraiment? Physiquement, j'étais comme Zazie dans le métro. Une boule de cheveux noirs coupés court avec une frange en travers du front que les ciseaux paternels égalisaient une fois par mois (la poussière de soie qui tombait me chatouillait le nez, je mettais mes mains en visière à la hauteur de mes sourcils tout en clignant des yeux, mon père me faisait lever le menton de sa main gauche et de la droite il s'efforçait de ne pas trembler, je sentais la progression dure et froide des longues lames pointues contre ma peau un peu moite, si je bougeais, si j'éternuais, il en allait peut-être de ma vie!), et puis le pull rouge, ma mère adorait le rouge, rouge comme le sang qui perlait, c'était toujours pareil, pas de sa faute mais de la mienne, je ne savais pas me tenir tranquille, le pull rouge sur une jupe écossaise à dominante rouge le dimanche, les autres jours de la semaine, c'étaient des couleurs banales qui n'allaient pas bien aux brunes, des couleurs ternes pour vêtements de pauvres, des vêtements de secours, ça existe encore, ça s'appelle le secours catholique ou populaire... Le dimanche, avec les habits choisis ou faits par ma mère, j'étais tout à fait comme Zazie dans le métro, avec son casque noir sur un pull rouge... Mon père se prénommait Raymond et de son nom de jeune fille ma mère s'appelait Queneut. Pourtant, ils n'avaient absolument rien compris à la finesse ou aux finasseries de Queneau. Ils avaient payé cher pour me voir en grand sur l'écran. Dès les premiers gros mots, ils regrettèrent leur argent. Je me sentais responsable (quelle fichue habitude!), gênée d'avoir un sosie si mal élevé et troublée de découvrir pareille différence (puisque malgré toutes mes sottises il semblait que je n'arrivasse pas à la hauteur de la cheville de ma doublure cinématographique!) au sein d'une telle ressemblance... Pour éluder la décision de quitter la salle, ce qui serait revenu à admettre qu'ils avaient gaspillé le prix des billets, mes chers parents avaient estimé que ça ne pouvait pas continuer comme ça. On ne pouvait pas se foutre de la gueule du monde à ce point-là. Le film allait devenir un vrai film, avec une histoire qui tiendrait debout et une petite fille normale ou presque, comme moi. D'espoir déçu en attente trompée, de soupir en soupir et de mine outragée en dénégation fatiguée, ils burent la coupe jusqu'à la lie. La durée conventionnelle d'un film étant écoulée, le mot FIN apparut pour nous narguer, sembla-t-il, une dernière fois. Mes géniteurs mirent du temps à sortir de leur stupeur. Le génie de Queneau leur avait échappé, Zazie dans le métro devint à leurs yeux la référence en matière de non-sens. Quant à moi, dans les yeux de Zazie, j'avais vu briller des lueurs certes douteuses mais alléchantes. Elle était gaie, moi, je ne l'étais pas, et sa présence au monde était renversante...

 

 

* extraits de récits publiés à La Chambre d'échos link

 

 

 

 

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28 janvier 2013 1 28 /01 /janvier /2013 13:28

 

       A l'intérieur de la gare, des musiciens solitaires entraînaient dans leur monde sonore les voyageurs tranquilles qui passaient. Un batteur frappait à coups de poing ou du plat de la main sur un tonneau métallique. Il tapait des rythmes frénétiques au plus dense de la foule. Les moins pressés des voyageurs, ou les touristes, s'arrêtaient pour lefilmer ou prendre des photos. Certains entraient dans la danse, elle, elle oubliait toutes ses peurs.

 

       Le père de Minima, qui courait involontairement le monde, jouait sans doute du violon sur les quais de la gare d'une autre grande ville. Parfois, elle avait l'impression de l'entendre rire devant ou derrière elle.

 

       Les trajets suivis par les trains étaient représentés sur un plan mural sous la forme d'un labyrinthe aux dimensions colossales. Des points lumineux clignotaient comme des étoiles pour désigner les destinations. Laquelle était la bonne? Elles faisaient toutes signe de risquer l'aventure.

 

       Minima tendait la main, elle montrait aux voyageurs qui s'arrêtaient les lignes de sa vie. Elle avait trouvé ce moyen pour aider Rosana à mieux gagner la sienne. Un jour, elle pensait qu'elle verrait ses lignes de vie correspondre avec celles de la main tendue en face. Elle lèverait la tête, elle reconnaîtrait le visage un peu vieilli de sa mère. Elles sortiraient chacune de leur sac des photos identiques comme preuves de leurs épreuves.

 

       Sur une page de journal, elle avait cru se reconnaître. Une famille avait été photographiée de dos. Le frère n'était pas dans le champ. Le double supposé de Minima se trouvait entre le père et la mère, en face d'une statue géante qui brandissait un flambeau. Les personnages avaient des sacs à leurs pieds. Leurs ombres s'effilaient démesurément derrière eux. Ils semblaient attendre l'accostage d'un paquebot dont la cheminée fumait au centre du cliché. Elle conservait dans son sac, avec les autres objets de sa vie ancienne, cette photo de famille...   § Récit  

 

 

 

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