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  • : le vent qui souffle
  • : Un souvenir surgissait parfois des mots comme un djinn d'une jarre, un souvenir imaginé, un oubli imaginaire... Le jeu de l'oubli dans l'écriture consistait à donner une forme à ces souvenirs blancs qui s'échappaient comme des fantômes...
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Les mots/"Sons" dessus dessous?/Où (hou!hou!) sont les sons?/Sur les ondes/Tout se jouait entre deux mots qui se fuyaient/Ecrits déchirés/Les mots me manquent/Mots à profusion/Fond et forme/L'art de combiner les sons/Passerelles de mots/Sous le couvert des mots /Ma voix résonne dans le désert!/C (Qu) antique/Mots creusés-creusets /Mots interdits /Mots /                       

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23 septembre 2012 7 23 /09 /septembre /2012 20:39

 

    Les mots

 

* Le trajet entre l'école et la maison avait cette ambiguïté des mots qui jetaient plus souvent la confusion dans mon esprit qu'ils ne l'éclaircissaient. Mes allers et venues ressemblaient aux va-et-vient incessants entre le bruit qu'ils font et l'interprétation qu'on en donne. Sur le chemin que j'empruntais à travers un champ en friche, je faisais à chaque passage l'expérience troublante du lien qui sépare. Parvenue à l'une des extrémités de mon parcours bi-quotidien, j'entendais l'écho affaibli du rythme de la vie que j'avais laissée au point opposé comme un vêtement à une patère. Je connaissais les plis du vêtement, son étoffe, sa coupe et sa doublure, je pouvais imaginer sur cette base toutes sortes de poses et de mouvements qu'il aurait habillés comme un gant... La réalité m'échappait pourtant, et je restais partagée, divisée entre plusieurs possibles et la multitude de leurs variantes, dont chacun de mes pas matérialisait les points de rupture en franchissant des intervalles d'espace et de temps dont la somme finissait toujours par me séparer de ou me relier à (cela dépendait d'un nombre incalculable de facteurs aussi différents que le rire et les larmes!) mes deux principaux lieux de vie d'alors... Ma présence à l'école ou à la maison signifiait nécessairement absence à l'une ou à l'autre. Comment un mot pouvait-il être lui-même et son contraire?...

 

 

Sons dessus dessous

 

* L'eau bout, la boue, je suis à bout, nous travaillions en classe sur l'homophonie. Je n'étais pas convaincue que des vocables qui émettaient le même son n'aient aucun sens en commun, et je cherchais à les relier par un fil d'Ariane grâce auquel j'aurais pu sortir du labyrinthe dans lequel je m'étais engagée contre toute prudence. A bout sonnait comme tabou, ce n'était sans doute pas pour rien... Cet à bout me parlait tout aussi bien de l'effort soutenu de ma mère lancée dans un ouvrage de couture et dont l'aboutissement en était la juste récompense, que de la détresse que je lisais dans ses yeux quand elle se disait à bout... A bout de quoi?... J'espérais bien que ce ne fût pas de moi...

 

 

Où (hou!hou!) sont les sons?

 

          J'enviais

          Fiévrier

          Marche

          Havre-il

          Mains

          Jointes

          Joyeux

          Où/Ou

          Sceptre Tremble

          Opprobre

          Neuf prendre

          Dé semble

 

 

Sur les ondes

 

* Les branches du lilas mauve et du lilas blanc s'embrassaient au-dessus de ma tête. Il faisait chaud. Par la porte laissée ouverte, j'entendais avec netteté ce que disait le poste de radio. Un homme parlait d'une sorte de paradis. "Le palais de l'Elysée..." La voix était cuivrée, elle retentissait comme une trompette. Il était question d'événements graves et d'hommes à la hauteur. Du haut de la tour Eiffel, le journaliste avait le ton qui convenait. "Le carrousel des gardes républicains..." Je ne comprenais pas tous les mots. La maîtresse nous recommandait souvent d'utiliser le dictionnaire. Je n'en avais pas sous la main. Cadet Rousselle s'en allait-en-guerre aux côtés de Malbrough... 

 

 

 

Tout se jouait entre deux mots qui se fuyaient

 

* Nous laissions ricocher contre les bords de chaque page des signes insignifiants qui nous conduisaient dans le sens horizontal de l'apaisement, de l'oubli, sur les traces d'un loup blanc... Il fallait écrire pour continuer la poursuite dans la neige à fond de traîneau, oublier le sens de la profondeur, aspirer l'air des pôles, échapper à l'emprise de l'eau, glisser à la surface des banquises... Un souvenir surgissait parfois des mots comme un djinn d'une jarre, un souvenir imaginé, un oubli imaginaire... Le jeu de l'oubli dans l'écriture consistait à donner une forme à ces souvenirs blancs qui s'échappaient comme des fantômes. 

 

 

Ecrits déchirés

 

* Sans doute avais-je, en ces temps inférieurs qui faisaient le lit de mes pages, subi d'éprouvantes métamorphoses, ressenti-oublié toutes sortes d'épouvantes... Comment savoir? 

 

 

Les mots me manquent

 

* Sensations extrêmes, avancées épuisantes, progression inégale faite de hauts et de bas. Comme sur les montagnes russes, il fallait avoir le coeur bien accroché. Quand je savais ce que je voulais dire, je ne parvenais pas à l'écrire, quand je croyais l'avoir bien écrit, ce n'était pas tout à fait ce que j'avais voulu dire... Les mots ne faisaient pas de cadeaux. Ils dépassaient ou rétrécissaient ma pensée. Ils aiguisaient exagérément ou amollissaient mes sentiments. 

 

 

Mots à profusion

 

* Je n'avais pas imaginé une seule seconde qu'il m'était loisible d'inventer, de créer de toutes pièces et d'affabuler totalement en me prêtant gratuitement pour une heure, le temps de les écrire, les désirs les plus fous, les plus délirants et les plus écrivant, fauteurs d'écriture et créateurs délictueux de songes et de mensonges magnifiques, qui auraient eu le pouvoir de déclencher dans mon encrier une bénéfique tempête, une frénésie d'inspiration époustouflante, un raz-de-marée de mots inouïs encore jamais écrits qui auraient tonné sur le papier au point de réveiller, d'étonner et de faire se lever les morts... Debout les mots!

 

 

Fond et forme

 

* Juste avant d'entrer dans le hall du REX, ma mère avait dit, en joignant le geste à la parole, qu'elle éteignait le parapluie... Le langage était lumineux. " Tu ne sais pas nager" signifiait clairement que je risquais de me noyer et "dépêche-toi" que je ne serais pas repêchée. Une enfilade d'objets sonores glissait autour de moi comme un collier magique. Je me déplaçais avec d'infinies précautions pour éviter de le briser. Les mots qui défilaient à la craie blanche sur l'écran noir du tableau de l'école, il suffisait de les prendre un à un dans la bouche et de faire comme les huîtres, il en ressortait une perle... 

 

 

L'art de combiner les sons

 

Je reçois la visite d’une amie d’enfance pour une remontée sereine dans le temps… Elle me récite des poèmes en langue allemande, que je ne comprends pas. J’aime le son de sa voix, sa diction. La musique des mots qu’elle libère en sachant, elle, ce qu’elle dit, me procure une émotion forte malgré l’absence, pour moi, de sens… Je l’emmène sur des chemins déserts que j’ai l’habitude d’emprunter. Il y a longtemps, nous avions fait ensemble quelques voyages. Devant nous, le paysage est neuf.

 

 

Passerelles de mots

 

Chez elle, Rosana allumait des bougies. Je m'enroulais dans un tapis rouge pendant qu'elle déroulait pour moi un chapelet d'histoires. J'écoutais avec ferveur la musique de ses phrases. Je me trouvais bien dans ce nouvel abri de paroles réelles, qui entraient en résonance avec les souvenirs que je murmurais dans ma tête.

 

 

Sous le couvert des mots

 

Le langage me transporte dans des lieux qui seraient inhabitables sans l'abri des mots. Leur approximation me permet de circuler dans un espace ouvert par mes désirs et fermé par mes peurs, restreint par mes limites, borné par mon ignorance. La parole organise mon espace de vie et crée la possibilité du rêve. Les mots du dictionnaire se présentent à moi comme des consignes qui tourneraient autour du Signe. La spirale des significations m'emporte dans un puits sans fond, sans fin...

 

 

Ma voix résonne dans le désert!

 

Conversation téléphone bruit parasites bribes fatigue paroles interruption distraction suivre la conversation syntaxe phrases sens son sous-conversation sensations quid quoi comment où mais encore je suis moi vous êtes vous où êtes-vous oui pardon je sais je ne sais pas je ne sais plus ni où ni quoi ni comment je sais non pardon je ne sais pas que voulez-vous que me demandez-vous que puis-je pour vous excusez-moi excusez du peu si peu malgré tout ce que je peux oui j'ai bien dit ou mal dit mais j'ai dit tout ce que je peux c'est-à-dire hélas pas grand-chose mais l'essentiel n'est-ce pas tenir parler soutenir la conversation il le faut sinon je ne sais pas peut-être jamais jamais sûre pourtant oui il le faut il faut décider surtout tenir bon ne pas faiblir montrer prouver être déterminé choisir une direction continuer persévérer courage je suis là vous aussi au bout du fil sans fil quelle époque mobile tout est mobile rien ne change mais si tout change vous n'avez pas changé vous êtes jeune jeune à jamais non le temps n'a pas de prise c'est l'été nous sommes jeunes l'été c'est la vie la belle saison l'automne aussi somptueux l'automne souvent l'été indien l'autre hémisphère où vais-je où allons-nous que de mystères que de beautés que de misères tous ces malheurs pauvres de nous oui pauvres mais bon assez courage tenir il faut à bras le corps être fort passer les épreuves du bac les épreuves tout court non le temps est immobile ne passe pas trop lourd la chaleur c'est l'été la belle saison profitons mots que de mots quel flot rythme pas de ponctuation un mot après l'autre derrière l'autre à la suite sans fin toujours le blog chaque jour tenir jusqu'à quand fin bien sûr fin de la semaine week-end repos je souffle je reprends mon souffle vous ne me l'aviez pas pris je m'essouffle fatigue fatigue l'âge accepter refuser refluer contenir laisser venir respirer flux et reflux deux temps toujours ombre et lumière silence parole mot espace espace-temps espèces de temps temps long du souvenir comme un sanglot l'instant comme un rire qui pétille respiration la vie l'eau qui coule jours heureux merci je vous en prie si si je n'en ferai rien rien hélas rien vous n'y pouvez rien je n'y peux rien ça se décline le jour décline je décline nous déclinons la courbe du soleil décline la Terre se réchauffe quel est le rapport ? Le seul point qui vaille est un point d'interrogation pour clore cette conversation qui a duré si longtemps je vous remercie votre voix si chaude si rayonnante un rayon de soleil la lune se lève fatigue excusez-moi je dors debout ne vous excusez-pas c'est moi incorrigible les mêmes erreurs des tics comme ces parasites sur la ligne grains de sable qui empêchent qui bloquent la suite des mots ne serait pas la même si pensez-vous justement je crois non je pense le flux des mots quelle importance le sens des mots tous le même sens vers le silence un sillon un flot un fleuve un ruisseau de l'eau à boire un désert j'ai soif un puits une source des mots donnez-moi avec vous je vous accompagne du pain et de l'eau tout est simple vous et moi en voyage embarqués chavirés saoûlés logorrhée à moins que attendez attendez-moi ma voix résonne dans le désert ! 

 

 

C (Qu) antique

 

 

          silence soupir

          amour mot

          mémoire exploration

          espace tourbillons

          mots arrachement

 

                 les déchirures du langage lacèrent les corps

 

 

          mots socs

          langage socle

          mémoire projection

          mouvements de mots

          définitions cages

 

                 les éclairs de la pensée déchirent les voix

 

 

          mots grains

          greniers mémoire

          langage à l'oeuvre

          phrases sillons

          labours

          de la terre et de la chair

          est triste

 

                tant de douleurs et de pertes

 

          et le paysage qui tremble

 

 

 Mots creusés-creusets

 

* Combien de briques nettoyais-je sans les casser quand je rentrais de l'école? Etait-il bien sûr que le marteau dût se faire léger à la surface de chaque brique?... Le burin n'avait-il pas la vocation d'un ouvre-boîte?... Non, c'était plutôt comme un jeu d'écriture. Stylet contre tablette à écrire. Assise à même le sol, la brique calée entre les genoux, le marteau dans la main droite, le burin dans la gauche, je gravais des hiéroglyphes que de grands savants découvriraient un jour au pied d'une pyramide, de gauche à droite point à la ligne, les phrases défilaient sur cet écran de terre cuite, les mots creusés-creusets recevaient de moi seule leurs formes indéchiffrables, scribe anonyme devant l'éternité. La tâche me paraissait grandiose comme l'amas de ruines réunies, élevées-effondrées, dans le jardinet. Les petits coups frappés doucement redonnaient vie aux formes délivrées du vieux mortier. La brique nettoyée de son histoire ancienne recevait le baptême dans la bassine à côté. Puis, déposée-rangée sur une bâche propre, en attendant que la Parole Neuve la prenne, elle formait avec les autres, serrées en bloc compact, un monument de lourd silence...

Quand mes doigts étaient trop engourdis, les outils prévoyants leur échappaient sans histoire. Alors, je contemplais le début du grand ouvrage que j'avais entrepris, le petit cube de briques propres élevées cinq sur cinq sur le carré de la bâche, et, en comparant ce dé-jouet à la montagne de ruines qui restaient à nettoyer, je me sentais un peu, toutes proportions gardées, comme David face à Goliath... 

 

 

 

Mots interdits

 

Le lien qui relie à soi-même

 

 

Ce matin-là, ce matin glacé de mai, ou peut-être déjà cet autre matin d'hiver, quelques mois auparavant, il lui semblait avoir commencé une sorte de voyage intérieur, de dérive ou de glissade impossible à maîtriser, commandée par la recherche d'une vérité impérieuse qui ne tolérait plus de retard, et qui la conduisait d'une main de fer vers un face à face avec elle-même qu'elle s'efforçait de repousser de toutes ses forces, en prenant appui sur le quotidien, sur les activités concrètes et les amitiés de tous les jours qui avaient donné jusqu'alors au moins une apparence de forme et de sens à son univers. C'était maintenant ou jamais, elle aurait voulu jamais... Sur le gros cahier à spirales qu'elle avait acheté au centre commercial de la ZUP, sous la verrière fumante et crépitante de pluie qui recouvrait le passage entre la rue commerçante et la Grand'Place, ce matin-là, après avoir conduit comme d'habitude les enfants de sa voisine à l'école, puis erré de rue en rue et de quartier en quartier jusqu'à celui de la Vieille Cité, dont elle s'était rapprochée machinalement, comme aimantée par le souvenir qui se faisait désir, assise sur un banc un peu cassé près duquel s'étalaient des papiers gras, elle avait tracé ces quelques lignes, ces quelques mots dérisoires et magiques qui étaient peut-être le commencement d'une écriture, et qui auraient le pouvoir d'ouvrir un passage entre la présence et l'absence, de réunir les vivants et les morts, de renverser le cours du temps et de bouleverser l'ordre des choses, de donner aux événements réels leur véritable sens. C'était sans doute accorder beaucoup trop d'importance aux mots... Mal à l'aise, se sentant presque coupable, elle avait arraché du cahier tout neuf - pour cela, les spirales, c'était très pratique - ce feuillet qu'elle ne donnerait à lire et qui ne la relierait à personne. Transformée en boule, la page alla rejoindre les papiers gras.

 

 

 

* extraits de récits publiés à La Chambre d'échos  link

 

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