À l'occasion des vases communicants du mois de juin, Isabelle et moi nous étions spontanément répondu à chaque texte écrit par l'une ou l'autre sur le thème choisi, et, de fil en aiguille, avons découvert à la fin de cet échange que nous avions créé ensemble un texte homogène à quatre mains.
Isabelle m'a proposé il y a quelques semaines de renouveler cette expérience d'écriture-correspondance sur le thème de l'été, de nos étés passés et des images qu'ils faisaient surgir en nous. J'ai accepté, comme la première fois, avec enthousiasme.
Nous avons décidé de mettre en ligne un à un, sur une période de 19 jours, les 19 textes écrits, dans l'ordre de leur écriture.
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Je laisse remonter une image de ces étés d'autrefois, une image, n'importe laquelle, celle qui se présente, et je la fixe, l'explore, la scrute et la consigne dans les phrases. Il doit bien y avoir une raison pour qu'elle revienne ainsi à la surface et demande à être dite, je préfère ne pas m'opposer à ces mouvements, je pense que les phrases doivent seulement les accompagner. Je suis allongée à l'arrière de la voiture. Les vitres sont à moitié ouvertes. La ligne de la vitre traverse le ciel bleu et le souligne. La courbure des fils électriques passe comme un étrange feston dans mon regard : un poteau électrique, et le fil noir, sur le ciel bleu, descend dans un arrondi, puis remonte, jusqu'à un autre poteau, et de nouveau cela recommence, exactement la même séquence. Quand mon père tourne, elle s'interrompt un instant, puis recommence, sur une autre route, avec le même rythme. Parfois la voiture se déporte sur la gauche et accélère mais je perds de vue la broderie noire que font les fils électriques sur le ciel bleu à ce moment précis, puis la voiture se rabat et le rythme reprend, identique, jusqu'à la prochaine interruption, et les interruptions du rythme peu à peu, pour mes paupières mi-closes et ma conscience de plus en plus diffuse, sont absorbées par le rythme lui-même, en font partie, au point que tout cela me berce, plus encore que les voix des adultes. Le rythme à présent s'est imprimé en moi. Je n'ai pas besoin de garder les yeux ouverts pour deviner le feuillage des arbres qui interrompt les rayons de soleil. Même si je garde les yeux fermés, l'alternance ombre soleil reste sensible et présente, à travers les paupières closes, et me berce, plus encore que les voix des adultes.