Les bribes de phrases qui passaient à travers le tamis de mes mains écartées sur mon visage avaient le pouvoir de m’anéantir. L’ogre ou l’ogresse du conte prenait corps et m’avalait réellement. J’étais épouvantée, l’angoisse était insupportable. Je recherchais la présence de ma mère pour me raccrocher à sa sérénité. J’aimais la voir repasser tranquillement le linge en écoutant la radio. Elle chantonnait. Quel était le sortilège qui créait la tourmente dans ma tête alors que la scène familiale à laquelle je prenais part était si douce ? Ma mère se doutait-elle de l’orage ravageur qui me secouait ? Pourquoi ma gorge était-elle nouée ? Pourquoi n’en sortait-il aucun son ? Il me semble que je me rendais compte de la fragilité des adultes. Je savais malgré moi, malgré eux, qu’ils ne connaissaient pas les réponses. Je me blottissais intérieurement dans le creux de mon désir d’amour. J’aurais aimé qu’on m’y rejoigne plus explicitement. Le Jokari