Quand j'étais un petit garçon, je passais des heures à admirer la vitrine d'un marchand de jouets. Un grelot tintait quand je franchissais la porte. A la sortie, le tintement me rendait nostalgique. Mais je savais que je pouvais revenir. Devenu adulte, j'ai voulu voyager pour voir le monde et tâcher de le réparer un peu. A mon retour, pour échapper au désespoir, j'ai ouvert, moi aussi, un magasin de jouets. J'ai désormais les cheveux aussi blancs que le vieil homme chenu qui m'ouvrait sa porte à n'importe quel moment de la journée.
Minima m'avait remercié de la visite que je lui avais faite dans sa maison de nacre et de sable en acceptant mon hospitalité « Au Royaume des Jouets ».
J'étais parvenu, me semblait-il, à reconstituer une partie de son histoire récente malgré ses réticences à se livrer. Elle frémissait comme un jeune animal traqué. Quelle conduite devais-je adopter à son égard ? Je voulais la protéger. Cette enfant qui m'était apparue soudainement à la lisière des vagues de l'océan m'obligeait à sortir de mon sommeil engourdi. Elle était non seulement l'archétype de l'enfance mais une petite fille en chair et en os dont je devais prendre soin. Minima m'offrait la chance de ne pas finir en vieil homme rabougri !
Ma boutique contenait le monde entier en miniature. Minima avait été intéressée par le train électrique, et par les maisons qui longeaient son parcours. Comme dans l'ancienne maison de garde-barrière où elle avait séjourné, le chemin de fer croisait un chemin vert. La locomotive tournait en rond sur le circuit. Elle dessinait le cercle de la terre. Des gardes surveillaient les barrières. Des feux s'allumaient, rouges ou verts. Le train changeait de voie quand elle manoeuvrait les aiguillages. Elle se sentait alors toute-puissante, comme Dieu, elle ne voulait que du bien aux voyageurs ! § Récit