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  • : le vent qui souffle
  • : Un souvenir surgissait parfois des mots comme un djinn d'une jarre, un souvenir imaginé, un oubli imaginaire... Le jeu de l'oubli dans l'écriture consistait à donner une forme à ces souvenirs blancs qui s'échappaient comme des fantômes...
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Ballet d'oiseaux

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Impossible livre

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          itinéraires

     Rose des vents/Prendre le large/

23 mars 2014 7 23 /03 /mars /2014 00:04

La syntaxe étirait mes phrases et portait les mots que je choisissais de plus en plus loin sur la page écrite. Quasi muette dans la vie courante, je me découvrais bavarde à l’écrit, capable d’aligner des phrases et des phrases que je pouvais ensuite relire comme si quelqu’un d’autre les avait écrites. Le déroulé des phrases élargissait mon champ d’expérience. J’évaluais les mots avec le boulier de mes perceptions intérieures. La balle-bille de mon stylo effectuait des bonds étonnants. La projection écrite de mes pensées poussées au bout de leur effort avait toujours un « je ne sais quoi » de surprenant. J’éprouvais une sensation de plaisir comme lorsque je rattrapais la balle de mon Jokari au cours d’une série de coups difficiles.

 

ENFANCE

 

 


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16 mars 2014 7 16 /03 /mars /2014 00:04

Le « dire », avec ses deux registres qui se repoussaient l’un l’autre, avait rendu ma parole hésitante et incertaine. L’ « écrire » se présentait sous un aspect plus rassurant. Par écrit, b + a faisaient « ba » sans accent. Les mots écrits se composaient de lettres dont l’ordre était fixé par l’orthographe. Leur sens était défini par le dictionnaire. J’avais dix ans. Mon frère venait de réussir son certificat de fin d’études primaires. La municipalité avait offert à tous les lauréats un dictionnaire Larousse. En le consultant, je découvrais des nuances que je n’avais pas aperçues dans le langage oral. Comment écrire ? Les mots ne fonctionnaient pas comme des briques. Leurs sens ne s’imbriquaient pas l’un en l’autre. Ils rebondissaient l’un contre l’autre avec des variantes infinies car le point d’impact n’était jamais le même. Les jeux de mots s’annonçaient inépuisables. La syntaxe était une sorte d’élastique qui leur permettait de se déployer en me propulsant dans le monde.  

 

ENFANCE

 

 

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9 mars 2014 7 09 /03 /mars /2014 00:04

Je me concentrais de la même façon sur la pointe de mon stylo quand je m’exerçais à écrire. La bille entrait en contact avec la page blanche du cahier. La pression de mes doigts lui faisait effectuer de très fins déplacements dont le résultat était la formation de lettres, de syllabes et de mots. Leurs suites étaient canalisées entre deux lignes parallèles qui servaient à guider l’écriture. Le monde laissait une impression sur ma conscience en même temps que je le voyais s’écrire. Comme je n’avais pas beaucoup de distractions, les impressions se gravaient en moi durablement. Les actions étaient lentes, les temps d’exposition étaient longs. En plein soleil, l’été, la lumière était dure. Coupante, tranchante. Au milieu de la chaussée en terre battue divisée par l’ombre des toits, ma silhouette se projetait sur la partie ensoleillée de la rue. Je lançais la petite balle en caoutchouc de mon Jokari à sa rencontre. Elle se noyait dans la masse noire. J’essayais de la projeter dans la lumière. Au bout du fil élastique, la petite boule rouge s’inscrivait en noir, sur l’écran ensoleillé du sol ou des murs qui en réfléchissaient l’ombre, comme un point sur un i. Ecrire revenait à séparer l’ombre de la lumière. Campée sous le soleil au milieu de la rue, je me prenais pour un shérif, capable de séparer les bons des mauvais.

 

ENFANCE

 

 


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1 mars 2014 6 01 /03 /mars /2014 00:04

J’avais gardé le souvenir d’un jeu de création qui avait soulevé en moi un désir au moins aussi fort que celui de former des bulles de savon. De belles boîtes en carton coloré étaient rangées dans les petites armoires à notre taille de l’école maternelle. Nous avions le droit, certains après-midis, de les sortir de leurs étagères. J’avais été émerveillée par des allumettes géantes au bout desquelles le soufre était figuré par de petites boules de couleurs vives, le bleu, le jaune, le rouge et le vert. Le jeu consistait à les faire entrer dans les trous d’un support perforé de façon à reproduire ou à créer des figures colorées. Je ne sais si les allumettes craquées par mon père fumeur avaient allumé la flamme de mon engouement pour ce jeu. La malchance voulait que d’autres enfants plus rapides que moi s’en emparaient dès le début de l’après-midi récréatif et je passais le reste du temps à espérer le moment où je pourrais à mon tour m’en saisir. Je ne m’intéressais plus aux autres jeux. Les petites boules brillantes aimantaient mon regard. Je leur associais, il me semble, une impression de richesse. J’aurais voulu les thésauriser, les avoir pour moi seule. L’unique fois (telle est la conviction de ma mémoire !) où j’ai pu en disposer à loisir (mais le temps m’avait paru trop court), la manipulation de ces allumettes m’avait remplie de bonheur. Je découvrais en moi des pans insoupçonnés d’intelligence et de créativité. J’inventais le codage d’un nouveau langage qui était mien. Je créais de jolies formes géométriques ou des alignements de signes qui ne parlaient sans doute qu’à moi, mais dans l’enceinte de l’école, leur sens me dépassait. J’utilisais un matériel commun pour construire ma singularité.

 

ENFANCE

 

 


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23 février 2014 7 23 /02 /février /2014 00:04

Quand je frappais dans la balle de mon Jokari, j’étais attentive à la tension de l’élastique, je me libérais de mes tensions, j’essayais de me réunifier en me concentrant sur la cible potentielle. Plus l’élastique était tendu, plus je réussissais mes coups. Je fixais un point devant moi pour diriger son extension, le plus loin possible, à égale distance entre les deux côtés de la rue. La succession temporelle des trajectoires suivies par l’élastique devait pouvoir être vue dans l’espace comme une superposition de lignes fondues en une seule. En réalité, à cause de ma maladresse, elles formaient un large faisceau ou un écheveau plus ou moins resserré. Quand je remplissais un broc d’eau à la pompe, j’étais éclaboussée par les gouttes qui s’échappaient du jet irrégulier et saccadé obtenu par la force de mon bras. La bouche grossière de la pompe laissait sortir une eau informe. A l’opposé, l’eau filtrée par la paume de l’arrosoir traçait des lignes filiformes qui retombaient en faisceau sur le sol. J’étais également fascinée par les fils électriques. Ils paraissaient tendus comme les lignes d’une immense partition où les hirondelles se posaient comme des notes. D’une rue à l’autre était proposée la lecture d’une symphonie possible. Entre l’école et la maison, je fredonnais des mélodies réunificatrices.

 

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18 février 2014 2 18 /02 /février /2014 00:04

Une professeure qui me voulait du bien m’avait appris à me débarrasser de mon idiome linguistique, de tous ces « tchieu » et « djieu » qui émaillaient mes lectures des tragédies de Racine. Je parlais donc deux langues, le français ch'ti patoisant pratiqué en famille et le langage souhaité par l’école. A vrai dire, je me sentais mal à l’aise aussi bien dans l’une que dans l’autre, en raison sans doute d’un léger décalage entre la perception et la compréhension, comme si je devais entreprendre un travail de traduction avant toute prise de parole. En réalité, je ressentais de la gêne. Parler en famille sans accent comme à l’école était tout simplement impossible. Plus qu’une barrière psychologique, j’affrontais là plutôt une impossibilité morale, avec en la personne de mon père une espèce de grand Inquisiteur ou d’inquiétant Commandeur. Le langage me livrait une vision du monde qui n’était pas la même ici et là-bas. Je vivais cette dualité comme une étrangeté humaine car l’intuition que j’avais de ma personne ne changeait pas en fonction des lieux où je me trouvais. Le nœud de ma complexité interne n’était pas attaché à un endroit particulier du monde extérieur. Ma singularité n’était pas un animal variable. En me pliant aux usages linguistiques différents des adultes chargés de mon éducation, je me laissais diviser sans le vouloir.


ENFANCE

 


 

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17 février 2014 1 17 /02 /février /2014 00:04

La mort venait trop tôt, mais on dit qu’elle vient toujours trop tôt. Les questions et les réponses se renvoient sans cesse la balle. Je commençais à comprendre que je me situais sur le fil ininterrompu de l’expérience humaine. Ma trajectoire scolaire qui m’avait propulsée à L. m’avait mise en contact avec l’autre figure de moi-même, égale à l’universalité de la conscience et du langage. Mon moi intime devait se dissoudre dans plus grand que lui. 

 

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14 février 2014 5 14 /02 /février /2014 00:04

Ainsi, le long du petit côté AH du triangle de ma vie, les images légères de mes souvenirs se superposaient-elles à la tristesse du présent. Elles la perçaient de rayons lumineux comme le soleil, parfois, à travers les nuées grises. Enfant, je recherchais l’unité de l’existence. Or, je découvrais qu’elle était faite de solutions de continuité. A travers les interstices, j’essayais néanmoins d’en découvrir la trame. La vérité se trouvait-elle dans les trous du tissu révélés par les perforations de l’aiguille ? Ou dans l’entrelacs des fils alternés qui le constituaient ? La matière de l’air était faite de cette alternance grise et or des rayons de la lumière filtrée par les nuages. Quand j’allais me ressourcer vers H., j’oubliais les lignes noires du catafalque tombé soudainement sur la matière première à l’origine des battements de mon cœur...

 

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9 février 2014 7 09 /02 /février /2014 00:04

Oh!

Magie du souffle. La bouche arrondie formait la voyelle O qui s’envolait vers le ciel. Oh !

 

Là-haut, sur l’écran bleu de cette magnifique journée d’été, s’écrivait le texte des plus belles espérances. Un petit avion ronronnait paisiblement, suivi d’une grande banderole rouge où était inscrite en larges lettres blanches l’annonce de la fête annuelle. Comment imaginer que les mots ne puissent pas toujours annoncer le meilleur ? Qu’ils ne puissent pas toujours s’élever comme des bulles de bonheur ? A l’aide de mon petit outillage mental, je recueillais des lettres et des sons que je propulsais dans un souffle. Les mots s’assemblaient à l’air libre. Ils rebondissaient contre le ciel. Ils revenaient vers moi enrichis par les rayons du soleil. Les mots ailés s’apparentaient aux sphères, fermés sur le sens qu’ils formaient rondement pour la lecture. Ils s’élançaient dans différentes phrases qui s’étiraient au fur et à mesure de leurs rebondissements. Mon peu de maîtrise de la langue rendait leurs faisceaux aléatoires. J’aimais leurs dessins sur les pages des cahiers. Souvent, parce que je manquais d’idées ou que je n’avais pas à ma disposition la combinaison de lettres souhaitable, mes mots restaient coincés dans des impasses. Je m’arrêtais pour reprendre des forces. Je naviguais au long cours sur l’océan du langage. Mon esquif était fragile. Je pouvais me noyer au fond de l’étendue du ciel...

 

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2 février 2014 7 02 /02 /février /2014 00:04

J’avais rêvé, enfant, de souffler des bulles de savon à l’aide d’un petit instrument vendu au marché par un camelot. Je me souvenais d’une très belle journée d’été. Le soleil et le ciel avaient marié leurs couleurs bleue et dorée. Tous les gens que nous rencontrions avaient l’air gai, et moi, j’accompagnais ma mère en lui donnant la main. Au marché, il y avait beaucoup de monde, comme à une fête. Derrière leurs étals ou à même le sol, sur de grandes nappes couvertes d’objets, les marchands faisaient l’article. J’avais senti monter en moi plusieurs envies. Ballon, bonbons, illustrés, moulin à vent dont les ailes accrochées à l’extrémité d’une fine baguette souple frémissaient au moindre souffle, et ce mystérieux outillage qui permettait de recueillir de l’eau savonneuse dans un petit récipient pour former des bulles irisées qui s’élevaient lentement au-dessus de soi. Evidemment, c’était très cher pour ce que c’était, et je n’avais pas insisté auprès de ma mère. Sur le chemin du retour, j’avais eu cependant plus de mal que d’habitude à surmonter ma déception. Rien, d’ailleurs, ne m’empêchait de m’exercer en pensée à effectuer le geste de souffler des bulles. J’aimais leur forme ronde, leur brillance et leurs reflets arc-en-ciel. J’aimais leur fragilité et leur capacité à s’élever. Leur pouvoir évocateur était immense. Rondes comme une sphère céleste, transparentes et colorées, cristallisation du rêve et de la réalité, presque immatérielles, à la limite extrême entre la réalité et l’illusion, figure de ce qui pourrait être et n’advient que dans la fugacité d’un instant, image d’un essentiel entrevu mais bien vu, fenêtre entrouverte sur la beauté, douceur et bonté d’une forme qui attire le regard au-delà de la perception visuelle...

 

ENFANCE

 


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